MOVING EARTHS
Un spectacle de Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour
Où atterrir?
Lorsqu’en 1609, Galilée dirige sa lunette vers le ciel, il découvre des montagnes sur la surface de la Lune, faisant d’elle une autre Terre, et de la Terre un astre parmi les autres.
Il bouleverse ainsi l’ordre cosmique, mais aussi politique et social de son temps. Quatre siècles plus tard, le rôle et la position de notre planète sont encore une fois bouleversés par les nouvelles sciences qui révèlent comment les actions des humains la font réagir de manière inattendue. Galilée nous avait appris que la Terre est en mouvement. Les chercheurs James Lovelock et Lynn Margulis découvrent une Terre « en mouvement », dans un autre sens : ils décrivent une planète où l'espace et le temps sont les produits des actions des vivants. Ils nous forcent à changer notre vision du monde et notre compréhension du cosmos. Et, à nouveau, toute l’organisation de la société semble remise en cause.
Alors que, en 1610, il faut absorber le choc que « la terre se meut », en 2019, il faut accepter le choc, autrement plus surprenant, que « la terre s’émeut », qu’elle tremble et réagit aux actions humaines au point de perturber tous nos projets de développement.
De la Terre à la Lune, et retour : nous invitons les spectateurs à tester l’hypothèse d’un parallèle entre l’époque de la révolution astronomique et la nôtre. Sommes-nous en train de vivre une transformation du monde aussi profonde et radicale que celle de l’époque de Galilée ? Une chose est sûre : nous ne savons plus exactement sur quelle planète nous vivons, ni comment la décrire. Ce n’est pas une seule Terre, fixe et stable, mais une multitude de planètes qui se présentent devant nous, et que nous devons explorer pour savoir sur laquelle atterrir.
Where to land?
When in 1609 Galileo pointed his telescope towards the sky, he discovered mountains on the surface of the Moon, making it another Earth, and the Earth a star among others.
In this way, he overturned the cosmic, political and social order of his time. Four centuries later, the role and position of our planet are once again being turned upside down by the new sciences which reveal how human actions make it react in unexpected ways. Galileo had taught us that the Earth is in motion. Researchers James Lovelock and Lynn Margulis discover an Earth "in motion" in another sense: they describe a planet where space and time are the products of the actions of living beings. They force us to change our view of the world and our understanding of the cosmos. And, once again, the whole organisation of society seems to be called into question.
Whereas in 1610 we had to absorb the shock that "the earth moves", in 2019 we have to accept the much more surprising shock that "the earth moves", that it trembles and reacts to human actions to the point of disrupting all our development projects.
From the Earth to the Moon and back: we invite the spectators to test the hypothesis of a parallel between the era of the astronomical revolution and our own. Are we experiencing a transformation of the world as profound and radical as that of Galileo's time? One thing is certain: we no longer know exactly what planet we live on, nor how to describe it. It is not one single, fixed and stable Earth, but a multitude of planets that are before us, which we have to explore in order to know which one to land on.
Image mentale, image scénique, image scientifique
Contrairement à la Terre de Galilée, celle de Lovelock et Margulis est animée, produite, constituée par les vivants.
D’où l’importance de comprendre leurs actions, réactions, interactions, mouvements. Le spectacle joue avec les échelles apparemment incommensurables mises en jeu : l’infiniment lointain de l’exploration astronomique, l’infiniment petit de la biologie contemporaine. Ce sont ces sciences qui nous forcent à repenser profondément notre place dans le monde. Ce sont elles qui nous livrent des images inédites de notre planète, la transformant en Terra Incognita. Le spectacle est une enquête à travers ces nouvelles images.
Nous partons de la rencontre entre James Lovelock et Lynn Margulis, qui, ensemble, inventent la théorie Gaia ; c’est un espace symbiotique où les notions de temps et d’espace sont redéfinies, où l’infiniment petit des micro-organismes côtoie l’infiniment lointain des galaxies, où la temporalité géologique et l’histoire humaine se mêlent. Au plateau, ces strates temporelles se superposent, pour raconter l’émergence d’une nouvelle conception de la Terre.
Entre philosophie et théâtre, cette production revendique le mélange des genres : nous pensons qu’il est bien adapté à la période actuelle, dans lequel les changements dans les idées sur le monde s’accompagnent d’un changement dans les représentations de ce monde. C’est cette esthétique des sciences sur la scène que nous poursuivons ensemble depuis plus de dix ans.
Mental image, scenic image, scientific image
Unlike the Land of Galilee, that of Lovelock and Margulis is animated, produced, constituted by the living.
Hence the importance of understanding their actions, reactions, interactions, movements. The show plays with the seemingly immeasurable scales involved: the infinitely distant of astronomical exploration, the infinitely small of contemporary biology. It is these sciences that force us to profoundly rethink our place in the world. They are the ones that provide us with unprecedented images of our planet, transforming it into Terra Incognita. The show is an investigation through these new images.
We start from the meeting between James Lovelock and Lynn Margulis, who together invent the Gaia theory; it is a symbiotic space where the notions of time and space are redefined, where the infinitely small of micro-organisms rub shoulders with the infinitely distant of galaxies, where geological temporality and human history mingle. On the plateau, these temporal strata are superimposed to tell the story of the emergence of a new conception of the Earth.
Between philosophy and theatre, this production claims the mix of genres: we think it is well suited to the current period, in which changes in ideas about the world are accompanied by a change in representations of this world. It is this aesthetics of science on the stage that we have been pursuing together for more than ten years.
Penser avec les mains
Un bureau, une craie, plateau nu.
MOVING EARTHS met en scène le spectacle de la pensée en train de se faire. Le public observe un philosophe qui pense avec ses mains, au plateau, comme un artisan au travail. Sur son bureau, des livres, des documents, un Ipad, des photographies, un carnet, des machines, des instruments optiques, une craie - objets dont il s’empare et par lesquels il construit sa réflexion. Le bureau (filmé du dessus comme une table de dissection, et agrandi par la vidéo live jusqu’à occuper tout le plateau) devient un espace scénique et dramaturgique à part entière, et c’est sur cet espace que se déroulent des événements : le surgissement d’un document, d’un personnage, une objection, une découverte… Au cours du spectacle, la pensée se déploie alors comme un récit, une enquête, nous embarquant dans une série de flashback, nous faisant entrer dans l’image projetée, transformant une photographie en scène vivante.
Thinking with your hands
A desk, a chalk, naked stage.
MOVING EARTHS stages the spectacle of thought being made. The audience observes a philosopher thinking with his hands, on the stage, like a craftsman at work. On his desk, books, documents, an iPad, photographs, a notebook, machines, optical instruments, chalk - objects that he takes hold of and with which he constructs his thoughts. The desk (filmed from above like a dissection table, and enlarged by live video until it occupies the entire stage) becomes a scenic and dramaturgical space in its own right, and it is on this space that events take place: the emergence of a document, a character, an objection, a discovery... During the performance, thought then unfolds as a narrative, an investigation, taking us into a series of flashbacks, making us enter the projected image, transforming a photograph into a living stage.
Processus de création : une expérience de pensée collective
Mais il s’agit de partager une pensée en construction et non de livrer une thèse. Tout notre protocole de création découle de cette conviction : la pensée est un spectacle passionnant lorsqu’on donne à voir ses processus, ses hésitations, ses coups de théâtre, ses trouvailles, ses acmés, son évolution.
Le spectacle est en deux parties : la conférence scénique portée par les acteurs (construite à partir des conférences publiques de Bruno Latour), puis, dans un second temps, une discussion avec Bruno Latour et le public qui nourrit l’étape suivante. La pensée prend ainsi sa matière des discussions avec le public. Le philosophe n’est pas en position de maîtrise ni de surplomb. Il propose au public de se mettre au travail avec lui. Un bureau, une craie, plateau nu : il faut reprendre le travail de description de notre monde commun, ensemble.
The creative process
But it is a question of sharing a thought in construction and not of delivering a thesis. Our working process stems from this conviction: thought is a fascinating spectacle when we show its processes, its hesitations, its discoveries, its acmés, its evolution.
The show is in two parts: the stage conference carried by the actors (built from Bruno Latour's public lectures), followed by a discussion with Bruno Latour and the audience that feeds the next stage. Thought thus takes its material from the discussions with the audience. The philosopher is not in a position of mastery or overhang. He proposes to the public to start working with him. A desk, a chalkboard, a naked tray: we must resume the work of describing our common world.
Le projet
Ce projet est le second d’une série de conférences-performances de Bruno Latour et Frédérique Aït-Touati.
Au fil de ces expériences menées en public, nous avons développé les enjeux qui nous permettent de construire l’expérience de pensée que nous portons au plateau.
Ce qui me connecte directement au travail que mènent Frédérique Aït-Touati et Bruno Latour au plateau depuis plus de 10 ans, c’est un questionnement incessant sur la représentation. Parler de représentation, c’est parler aussi de notre capacité à « fictionner » à questionner le réel et le faire nôtre. Comment nous représentons-nous la terre, le vivant ? Comment considérons-nous les rochers, les montagnes, tout ce qui constitue notre paysage intérieur quand on dit le mot « terre » ? Ces images qui viennent à l’esprit, cette représentation du monde.
The Project
This project is the second of a series of lecture-performance by Bruno Latour and Frédérique Aït-Touati.
In the course of these experiments conducted in public, we were able to collect and imagine the stakes that allow us to construct the thought experience that we bring to the stage.
What connects me directly to the work that Frédérique Aït-Touati and Bruno Latour have been carrying out on stage for more than 10 years, is an constant questioning of representation. Talking about representation also means talking about our ability to « fictionalise", to question reality and make it our own. How do we represent the earth, the living? How do we consider the rocks, the mountains, everything that makes up our inner landscape when we say the word "earth"? These images that come to mind, this representation of the world.
Fermez les yeux
et imaginez la terre, puis imaginez-vous regardant la terre, puis imaginez un oiseau en train de voler à coté de vous, puis imaginez la chute, puis imaginez toucher le sol comme cet oiseau qui se pose.
Si vous avez imaginé cela, vous avez atterri sans encombre sur le sol, sans fracas, et vous vous êtes représenté la terre de façon totalement fictionnelle. Nous ne pouvons pas voir la terre dans son ensemble, nous ne pouvons pas voler à côté d’un oiseau, nous pouvons chuter mais ne pouvons pas atterrir sans fracas. C’est ce système de représentation même que nous voulons décortiquer, disséquer au plateau.
Close your eyes
and imagine yourself looking at the earth, then imagine yourself looking at the earth, then imagine a bird flying beside you, then imagine falling, then imagine touching the ground like this bird landing.
If you have imagined this, you have landed safely on the ground, without a crash, and you have imagined the earth in a totally fictional way. We can't see the whole earth, we can't fly next to a bird, we can fall but we can't land without crashing. It is this very system of representation that we want to dissect, to dissect on the set.
Une question d’optique
Ces outils de mesure utilisés par les scientifiques pour mesurer, sonder, analyser et finalement essayer de comprendre les enjeux de notre planète, son fonctionnement, ont toujours eu une importance capitale dans la fabrication des nouveaux schémas de compréhension et de représentation de notre environnement, de l’univers.
Si beaucoup de questions restent sans réponses, les outils permettant de vérifier les théories restent à inventer, la science nous a permis de rebattre les cartes et de nous mettre dans une position de choix face aux nouvelles découvertes.
Nous ne savions pas, peu à peu nous découvrons les enjeux et les mécaniques, les rouages de ce qui fait fonctionner factuellement l’univers. Comme Bruno Latour le fait avec ses propres outils pour analyser les rouages de la compréhension des systèmes (scientifiques, philosophiques, anthropologiques) de représentation. Ces mécaniques, ces rouages, ces optiques qui donnent des points de vue totalement différents sont au coeur de notre projet de spectacle. Fictionner et raconter l’histoire de ces découvertes majeures, c’est l’ambition de ce projet.
A question of optics
These measurement tools used by scientists to measure, probe, analyse and finally try to understand the issues of our planet, its functioning, have always been of paramount importance in the fabrication of new schemes of understanding and representation of our environment, of the universe.
Although many questions remain unanswered, the tools to verify the theories have yet to be invented, science has enabled us to reshuffle the cards and put us in a position of choice when faced with new discoveries.
We didn't know, little by little we are discovering the stakes and the mechanics, the cogs of what makes the universe function factually. As Bruno Latour does with his own tools to analyse the cogs of understanding systems (scientific, philosophical, anthropological) of representation. These mechanics, these cogs, these optics that give totally different points of view are at the heart of our performance project. Fiction and telling the story of these major discoveries is the ambition of this project.
Dispositif
Il s’agissait d’inventer un dispositif qui questionne les couches, les strates, qu’elles soient matérielles ou temporelles, en permettant au public de voir en même temps ses différents aspects.
Pour cela nous travaillons avec de l’image projetée et des outils de captation, des optiques, des caméras microscope ou thermique, pour donner au spectateur, dans un même espace, celui de la représentation, toute la densité d’information que nous sommes en capacité de capter et de superposer en temps réel. La notion temporelle est essentielle, plus haut nous lisons « Nous ne savions pas » mais voilà, nous ne pouvions pas savoir – et maintenant nous savons. Nous savons quelles sont les implications de l’humain et son influence sur son environnement. L’enjeu est de questionner l’espace théâtral, espace fictionnel de la représentation du monde, dans sa capacité à donner une nouvelle représentation du réel et des temporalités. Nous n’essayons pas d’inventer une machine à voyager dans le temps, mais une machine à voyager avec le temps.
Dispositive
The challenge is to invent a device that questions the layers, the strata, whether material or temporal, allowing the public to see its different aspects at the same time.
To do this, we work with projected images and capture tools, optics, microscope or thermal cameras, to give the spectator, in the same space, that of the representation, all the density of information that we are able to capture and superimpose in real time. The notion of time is essential, above we read "We didn't know" but here we are, we couldn't know - and now we know. We know what the implications of humans and their influence on their environment are. The challenge is to question the theatrical space, the fictional space of the representation of the world, in its capacity to give a new representation of reality and temporalities. We are not trying to invent a time machine, but a machine to travel through time.
Ne pas produire de « déchets »
C’est un des enjeux majeurs de notre travail. Comment se déplacer, montrer et représenter le monde sans l’impacter, sans produire de déchets supplémentaires.
Pour cela nous envisageons l’usage de matières recyclées. Recycler les éléments présents dans le théâtre nous accueillant, recycler la machine théâtrale en exploitant toute ses possibilités. Mais aussi travailler avec du papier, des choses légères, et toutes les possibilités de l’image projetée.
Not to produce "waste".
This is one of the major challenges of our work. How to move, show and represent the world without impacting it, without producing additional waste.
To achieve this, we consider the use of recycled materials. Recycling the elements present in the theatre hosting us, recycling the theatrical machine by exploiting all its possibilities. But also working with paper, light things, and all the possibilities of the projected image.
MOVING EARTHS / En tournée
21 janvier 2019 : Préfiguration au Centre Pompidou, Festival Hors-Pistes (Paris, France)
14 octobre 2019 : The Rausing Lecture (Uppsala, Suède)
7 décembre 2019 : Théâtre Nanterre-Amandiers (Nanterre, France)
16 décembre 2019 : Institut Français du Caire (Caire, Egypte) - Annulé
20 janvier 2020 : Théâtre de l’Odéon (Paris, France)
6 février 2020 : Collège des Bernardins (Paris, France)
23 mai 2020 : ZKM, Karlsruhe : en raison de la crise sanitaire cette date a été transformée en une diffusion en ligne de l’installation vidéo.
Du 13 août au 13 septembre 2020 : Down to Earth – Berliner Festspiele - Gropius Bau – Berlin, versions unplugged (5 représentations)
20 août 2020 : Théâtre Benno Besson (Yverdon-les-Bains, Suisse)
du 21 novembre 2020 au 14 mars 2021: Taïpei Biennale 2020, en raison de la crise sanitaire cette date a été transformée en une diffusion en ligne de l’installation vidéo.
du 19 au 21 novembre 2020 : Driving the Human, ZKM - Karlsruhe : installation vidéo
28 juin 2021 : Théâtre de la Criée, dans le cadre du Festival de Marseille (Marseille, France)
28 août 2021 : Les Rencontres inattendues (Tournai, Belgique)
le 5 octobre 2021 : Hexagone (Meylan, France)
13 octobre 2021 : BOCA, Biennal of Contemporary Arts (Lisbonne, Portugal)
du 6 novembre 2021 au 4 avril 2022 : Projection - Centre Pompidou Metz invite la Biennale de Taipei
3 décembre 2021 : Villa Albertine, Institut Français et Goethe institut, (Atlanta, Etats-Unis)
21 mai 2022 : (Braga, Espagne)
3 juin 2022 : EL TEATRE LLIURE (Barcelona, Espagne)